Plaisir d’offrir, joie de recevoir : en ce jour de Noël, quel cadeau plus à propos pour les amateurs du ballon orange qu’un post sur les passes décisives ?
Généralement moins spectaculaires qu’un bon gros dunk, elles font cependant appel à bien plus que de simples qualités athlétiques de vitesse et de détente : sens du timing, vision du jeu qui pour les plus doués confine à la prescience, les qualités nécessaires à un bon passeur reposent plus sur ses attributs intrinsèques que sur ceux qu’il aura développés à force d’entraînement. Au-delà du caractère fondamentalement altruiste (sauf pour Rajon Rondo, bien sûr) d’une assist, signe de la bonne santé du jeu offensif d’une équipe, c’est cette capacité à disséquer les points faibles d’une défense d’un seul coup d’œil et, avec la passe juste, à retourner celle-ci comme un gant de latex qui fait d’un bon passeur une denrée rare et précieuse. Et s’il peut assurer le spectacle en prime, on tutoie la perfection.
Logiquement trusté par les meneurs de jeu, premiers dépositaires et organisateurs du jeu de leur équipe, le classement statistique des passes décisives ne suffit pas à lui seul à déterminer quels sont les grands passeurs qui ont écrit l’histoire de la NBA. Ce qui nous intéresse ici, c’est précisément l’art de l’assist par les joueurs qu’on n’attend pas forcément dans ce domaine du fait de leur poste : pour ne pas tomber dans la facilité, exit les meneurs de jeu tels Magic, Isiah, CP3, Stockton, Kidd ou Nash. Nous piocherons donc uniquement dans les 4 autres postes.
Notre recherche est également limitée par des considérations techniques, à savoir les archives vidéo disponibles sur Youtube, c’est pourquoi notre inventaire met en avant des joueurs ayant essentiellement fait carrière à partir des années 80.
Pour le plaisir des yeux, voici donc une liste non-exhaustive de quelques-uns de nos passeurs favoris, avec vidéos à l’appui et sans ordre de préférence.
***
Manu Ginobili (2e arrière)
Après avoir sérieusement songé à prendre sa retraite comme son compère Tim Duncan cet été, El Manu a rempilé pour une saison au grand bonheur de tous les amoureux du jeu. A 39 ans, le 2e arrière des Spurs est tout proche d’une retraite bien méritée, alors profitons de son génie tant qu’il foule encore les parquets de la NBA. L’argentin, qui prend visiblement beaucoup de plaisir à passer le ballon, tourne en ridicule les défenseurs NBA depuis bientôt 15 ans. Son talent repose sur sa capacité égale à maîtriser les fondamentaux (ses pick & rolls avec Timmy et TP devraient être enseignés dans les écoles de basket) et à improviser au besoin tel un artiste jazz sur le thème composé par Popovich. Il peut compter en cela sur son côté « fausse patte » qui lui ouvre des angles interdits à un droitier, sa vista et une capacité surnaturelle d’anticipation de la trajectoire de l’adversaire. Passe aveugle, passe dans le dos, passe laser, passe chistera, alley oop, entry pass, bounce pass, shovel pass, touch pass, outlet pass, tout y passe mais sa spécialité, c’est la passe entre les jambes des défenseurs adverses : il est l’un des rares à avoir des vidéos dédiées uniquement à ses nutmegs. Et s’il choisit tel ou tel type de passe, ce n’est pas (uniquement) pour la beauté du geste, mais car c’est le geste juste à réaliser à ce moment de l’action en cours.
***
Dwyane Wade (2e arrière)
Malgré 3 titres de champion et de multiples performances clutch en playoffs, D Wade reste étrangement sous-estimé pour un joueur de son envergure, sûrement la faute à Kobe Bryant qui monopolise toute l’attention dans la discussion sur les meilleurs shooting guards de ces 15 dernières années. Pourtant, Flash peut légitimement être considéré comme un des 5 meilleurs shooting guards de tous les temps. Des blessures chroniques aux genoux ont largement entamé son potentiel athlétique depuis 5 ans, l’amenant à développer un ‘old man game’ tout en technique et en roublardise qui prolonge son efficacité et sa durabilité. Son jeu de passe n’a pas souffert de cette dégradation physique, bien au contraire : ses alley oops stratosphériques pour son ex-coéquipier LeBron James sont là pour en témoigner.
***
Pete Maravich (2e arrière)
Joueur flamboyant mais irrégulier, Pistol Pete n’a pas connu une carrière à la hauteur de son talent pur. Ses fondamentaux parfaits et son sens du spectacle l’ont cependant rendu inoubliable dans l’esprit des fans de basket.
***
Larry Bird (ailier)
L’habit ne fait définitivement pas le moine : en voyant ce grand échalas tout aussi pataud que pâlot, avec sa coupe mulet et sa moustache de plouc, on a du mal à imaginer qu’on est face à l’un des plus grands prédateurs du basketball moderne. Bird était le symbole que les qualités athlétiques ne font pas tout dans ce sport, compensant ses limites physiques par une intelligence de jeu et une technique exceptionnelles. Le raffinement du jeu de passe de Larry Legend est un plaisir pour les yeux, avec ses touch passes de volleyeur et ses slap passes dédaigneuses. Tout simplement le meilleur ailier passeur jusqu’à l’arrivée d’un certain LeBron.
***
LeBron James (ailier/ailier fort)
Un instinct de meneur de jeu coincé dans un corps d’ailier fort, un Karl Malone avec les qualités techniques de John Stockton (en plus spectaculaire, ce qui n’est pas difficile j’en conviens). Le King se distingue par sa vision du jeu, qui lui permet d’anticiper le placement des défenses adverses et d’en exploiter la moindre faille. Meilleur passeur n’évoluant pas au poste de meneur de jeu (16e de tous les temps avec 7066 assists), il intégrera le top 10 d’ici la fin de sa carrière sauf catastrophe. C’est un fait d’armes impressionnant quand on sait qu’il a passé la 1ère moitié de sa carrière rarement entouré de coéquipiers talentueux, mais c’est aussi le symbole de sa capacité à rendre les autres meilleurs.
***
Boris Diaw (ailier/ailier fort)
Point de chauvinisme dans ce choix. Affectueusement qualifié de ‘Stretch Mark 4’ (combinaison de ‘stretch 4’ et ‘stretch mark’) par Jalen Rose pour sa propension à jouer loin du panier et à être en surpoids, Boris Diaw continue de tromper tranquillement son monde. Ceux qui voient en lui un simple role player un peu enrobé sous-estiment son incroyable intelligence de jeu, sa technique sans faille et son altruisme inné. Quand certains s’autoproclament Black Mamba, lui se compare on ne peut plus justement à l’hippopotame, « Lethargic, even nice, but it is the most dangerous of all. Every year tourists underestimate it, and in getting a little too close, they pay the price ». Sa connaissance du jeu et son côté cérébral ont tardé à être exploités pleinement par ses équipes successives mais il a fini par trouver sa zone de confort à San Antonio, devenant rapidement un rouage essentiel du magnifique jeu huilé des Spurs entre 2012 et 2016. Utah ne s’est pas trompé en s’attachant ses services cet été.
***
Charles Barkley (ailier fort, voire carrément replet)
Cette passe suffit à elle seule à justifier sa présence ici.
***
Chris Webber (ailier fort)
Ce choix vient couronner un collectif en avance sur son temps. Sous la houlette de Rick Adelman et avec ses compères Vlade Divac et Jason Williams (puis Mike Bibby), C-Webb a grandement contribué à faire des Kings de Sacramento du tournant des années 2000 l’une des équipes au jeu de passe le plus fluide de ces 35 dernières années. Webber était un magnifique passeur pour son poste et sa taille, et même si sa carrière est désormais derrière lui, il garde un enthousiasme non dissimulé pour ses collègues de la confrérie des passing big men : way to represent the big fellas !
***
Tim Duncan (ailier fort/pivot)
Le meilleur power forward de l’histoire est très probablement le meilleur passeur de tous les temps chez les ailiers forts (KG pourrait y trouver à redire). Ses passes sont à l’image du reste de son jeu : ça paraît simple mais en réalité c’est extrêmement complexe à réaliser. Nous vous proposons donc une vidéo typique de Timmy, réalisant à chaque fois le geste parfait sans être flashy pour un sou. On finirait presque par croire que le journal satirique The Onion n’est pas si loin de la vérité le concernant.
***
Arvydas Sabonis (pivot)
L’ours lituanien restera un des plus grands points d’interrogation de l’histoire de la NBA et du basket professionnel en général. A ses débuts, Sabonis présentait un profil unique, celui d’un pivot de 2,21m avec une puissance en rapport avec sa stature mais la fluidité corporelle d’un joueur de 30cm de moins (et si vous vous posiez la question, c’est effectivement un David Robinson encore tendre universitaire qu’il martyrise dans cette vidéo). Aussi à l’aise au poste bas que derrière la ligne à 3 points, il représentait un matchup insoluble et cauchemardesque pour toute défense. Celui qui aurait pu devenir le meilleur joueur de l’histoire d’après Bill Walton n’en eut malheureusement pas l’occasion : son appartenance à l’URSS en pleine Guerre Froide, et ses multiples blessures aux jambes (2 ruptures des tendons d’Achille, notamment) l’ont empêché de réaliser son potentiel dans la ligue américaine. Il débarqua finalement à Portland en 1995, bien après ses meilleures années, avec une mobilité statuesque : les médecins de l’équipe s’accordaient alors à dire qu’il pouvait prétendre à une place de parking pour personne handicapée rien qu’en se basant sur ses radiographies. Il joua pourtant 7 saisons avec les Blazers, avec ses pieds cimentés et ses mains de velours. Certains anciens de l’équipe comme Drexler restent persuadés que s’il avait été là dès le début des années 90, l’équipe alors à son apogée aurait certainement remporté plusieurs titres NBA. Les quelques passes figurant dans la vidéo ci-dessous permettent d’entrevoir l’ampleur de son talent.
***
Marc Gasol (pivot)
Si les qualités de passeur de Pau ne sont plus à démontrer, notre préférence va à son petit frère. Joyau parmi les brutes du Grit ‘N Grind, l’espagnol a apporté sa finesse au jeu physique des Grizzlies. Il partage la responsabilité de playmaker avec Mike Conley, faisant figure d’exception chez les pivots à ce titre, et a souvent été propulsé premier créateur de Memphis du fait des blessures répétées de Conley ces dernières saisons. Ce rôle de point center convient parfaitement à ses qualités ; rares sont les pivots avec d’aussi bonnes mains et une telle vision du jeu, c’en est presque écœurant.
2 Ping