Les finales semblent être terminées depuis une éternité, la draft est repartie comme elle est venue, les transferts de joueurs majeurs sont quasiment bouclés malgré quelques surprises de dernière minute et les gros poissons de la free agency ont trouvé preneur. Il est temps de se rendre à la pénible évidence : la période honnie qu’on appelle l’intersaison est arrivée. Le fan de basket, la mort dans l’âme, doit faire face à une traversée du désert de 4 mois entre les finales et le coup d’envoi de la saison suivante caractérisée par un vide compétitif qu’aucun match de summer league, Drew League ou Big 3 ne pourra jamais combler.

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Pour pallier à ce désœuvrement et combattre les effets du sevrage forcé de balle orange, profitons des prochaines semaines de calme pour dépoussiérer quelques dossiers d’archives.

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Au programme cette semaine, le meilleur match que vous n’avez jamais vu. Point d’erreur de syntaxe ici : nous allons vous raconter l’histoire d’un match qui n’a jamais été vu car il ne fut jamais diffusé, ce qui est logique puisqu’il s’agit d’un match d’entraînement.

Revenons 25 ans en arrière jour pour jour, le 22 juillet 1992. La déjà légendaire Dream Team, dans l’attente du début des festivités olympiques de Barcelone et de son triomphe annoncé, parfait sa préparation à Monaco avec quelques matchs amicaux contre des sparring partners de luxe. Le 21 juillet 1992, c’est l’équipe de France qui s’y colle : Stéphane Ostrowski, Jim Bilba, Hugues Occansey, Georgi Adams, Fred Forte et les frères Gadou prennent un très honnête -40, pas de quoi rougir quand on sait le sort réservé à d’autres nations par le rouleau compresseur américain durant les JO.

Sous couvert de préparation, ce séjour en Principauté est avant tout un moment de détente et de tourisme pour les dream teamers, qui écument les restaurants, casinos et parcours de golf de la côte. Mais le coach Chuck Daly sait comment mobiliser sa brochette de superstars. Qui peut battre la meilleure équipe de tous les temps, sinon elle-même ? Les entraînements quotidiens de la Dream Team donnent lieu à des matchs acharnés entre ces futurs Hall Of Famers (et Laettner) : le niveau de talent sur le parquet est inédit hormis peut-être dans un All-Star Game, mais ces oppositions sont d’une intensité rare, chacun voulant prouver qu’il n’a pas usurpé sa place dans l’équipe, et à plus forte raison dans l’histoire de la NBA.

De ces matchs d’entraînement ultra-compétitifs, il en est un que la transmission orale, faute d’images jusqu’ici, a canonisé. Les souvenirs de ses acteurs diffèrent : certains se rappellent que le match opposait joueurs de l’Est et joueurs de l’Ouest alors que Jordan cite Mullin, joueur des Golden State Warriors, parmi ses coéquipiers du jour. Magic dit avoir laissé à l’équipe de Jordan l’universitaire Christian Laettner, qui n’aurait quasiment pas joué tellement le niveau était élevé, alors que selon ESPN, le joueur de Duke est listé dans le 5 de l’ancien Laker et finit 3e meilleur marqueur avec 10 points. Une chose est sûre : quelle qu’ait été la répartition des équipes ce jour-là, l’opposition majeure se joue entre Magic Johnson et Michael Jordan.

Depuis que la maladie l’a forcé à se retirer des parquets quelques mois plus tôt, Magic songe à un comeback. Il a disputé le All-Star Game en février, remportant au passage le titre de MVP du match, et cette belle expérience l’a conforté dans son envie de revenir fouler les parquets de la NBA. Cette volonté de revenir s’explique aussi par l’esprit de compétition du grand champion qu’il est : après avoir dominé (avec Bird) les années 80 de la tête et des épaules, Magic a du mal à accepter de céder la place à la nouvelle génération incarnée par Michael Jordan, double champion NBA en titre, devenu maître incontesté de la ligue depuis son départ. Magic est remonté comme un coucou suisse et fait de ce match d’entraînement un Yalta du basket, une confrontation au sommet déterminant l’équilibre des pouvoirs au sein de la NBA pour les années à venir. Son équipe attaque pied au plancher, menant rapidement 7-0. L’avance monte même jusqu’à 9 points et l’ancien meneur de jeu des Lakers, en pleine confiance, se met à parler. Beaucoup. A Michael Jordan. Toute personne avertie sait qu’entre trash-talker Michael Jordan et tuer le chien et voler la voiture de John Wick, les répercussions de cette dernière option seront toujours plus douces. Mais Magic n’est pas facilement impressionnable, ses 5 bagues de champion sont là pour en témoigner. Si la nouvelle génération veut prendre le pouvoir, qu’elle ne s’attende pas à une abdication.

La suite est connue et attendue : Jordan, capable de trouver une source de motivation dans le plus petit affront, se métamorphose en dieu destructeur. Il enchaîne les points, langue sortie, en fixant Magic d’un regard intense après chaque panier. Ce dernier fait de son mieux pour entraîner ses coéquipiers dans son sillage et rendre coup pour coup, mais Air Jordan est tout simplement stratosphérique. Son équipe s’impose finalement 40 à 36, et un Jordan goguenard ne manque pas de le signaler à la face d’un Magic encore bouillant de colère.

Ce dernier match d’entraînement de la Dream Team à Monte Carlo, avec son duel entre Magic et Jordan, symbolise un passage de témoin définitif entre la génération dorée des années 80 et le roi incontesté des années 90. De l’aveu même de Jordan, il s’agit du meilleur match auquel il ait jamais participé, un mètre-étalon avec lequel il est impossible de rivaliser. La transmission orale (propice aux exagérations) de cet événement n’a fait que renforcer son statut mythique au fil des années.

Longtemps, on a regretté de ne pas avoir d’images de cet épisode légendaire de l’histoire du basketball. Jusqu’à maintenant. Enfin, jusqu’à 2012 plus exactement, puisque à l’occasion d’un documentaire sur la Dream Team produit et diffusé par NBA TV, des extraits de ce match sont apparus. En effet, tous les matchs d’entraînement ayant eu lieu à Monte Carlo avaient été filmés par un assistant de Chuck Daly. Sans plus attendre, les voici.

Morale de l’histoire, qui nous est rappelée par l’inénarrable Magic Johnson : il ne faut jamais, JAMAIS, trash-talker Michael Jordan.

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