Reprenons les bonnes habitudes avec cette nouvelle édition de Soulful Sundays, et précisons d’emblée que toute ressemblance entre le titre de ce morceau et cette journée électorale serait purement fortuite.

Bobby ‘Blue’ Bland a gagné ses galons de bluesman à la dure, avec sa voix pour seul instrument. Au sortir de l’adolescence, le chanteur en devenir passe le plus clair de son temps à Memphis avec le guitariste B.B. King (dont il sera le valet et le chauffeur pendant un temps), le chanteur Johnny Ace et le pianiste Rosco Gordon : leur association donne naissance au groupe informel The Beale Streeters, qui enregistre quelques singles pour Chess et Modern au début des années 50, sans grand succès. Cela n’empêche pas Bland de signer chez Duke, mais son style vocal, s’il est puissant, reste quelque peu fruste. Il passe les quelques années suivantes à parfaire son art : le trompettiste Joe Scott lui enseigne les subtilités du phrasé et à l’écoute des sermons enregistrés de CL Franklin (révérend de Detroit et père d’Aretha), il travaille ses puissantes rafales vocales. Il en ressort transfiguré et dès lors, les succès s’enchaînent (« Further Up the Road » en 1957, « Little Boy Blue » en 58, « I’ll Take Care Of You » en 59…).

« I Pity The Fool » est extrait de l’album « Two Steps From The Blues », sorti chez Duke en 1961. En réalisant la synthèse entre blues, rhythm & blues et proto-soul, cet album influença nombre d’artistes soul pour les années à venir. Sur ce morceau où il plaint le naïf qui tombe amoureux en pensant ne pas être trompé (situation qu’il ne connaît que trop bien puisqu’il la vit lui-même), Bobby ‘Blue’ Bland alterne entre trémolos suaves sur fond feutré guitare/piano, et braillements désespérés rivalisant de puissance avec les cuivres. Un morceau qui a récemment fait l’objet d’une utilisation magistrale (spoiler alert !) dans l’une des rares scènes captivantes de la saison 2 de « True Detective »…

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