Après un 1er tour disputé (trois matchs 7 sur les 8 séries), les demi-finales de conférence furent expéditives, aucune série ne dépassant 5 matchs bien que le contenu de ceux-ci fut accroché. Les favoris sont sortis du lot et la logique de la saison régulière a été largement respectée, hormis pour les Cavs, 4e de la Conférence Est. Ceci dit, quand une équipe compte dans ses rangs le meilleur joueur des 15 dernières années, on ne peut pas non plus dire que sa présence à ce stade de la compétition soit une immense surprise.
A quelques heures du coup d’envoi des finales de conférence, passons ces 2 matchups au crible et hasardons nous à quelques pronostics.
CONFÉRENCE EST
Boston Celtics (n°2) vs Cleveland Cavaliers (n°4)
S’il est une équipe au sens littéral du terme, c’est bien cette étonnante escouade de Boston. Les jeunes prodiges de Philadelphie, que beaucoup voyaient déjà en finale de conférence, n’en sont toujours pas revenus.
Les Celtics ont absorbé sans broncher la perte tardive de leur leader Kyrie Irving en redistribuant la charge offensive de ce dernier avec un égalitarisme à faire rougir le communiste le plus endurci : Jayson Tatum, Terry Rozier, Al Horford, Jaylen Brown, Marcus Morris et le revenant Marcus Smart ont tous marqué entre 10,6 et 18,8 points de moyenne sur les 2 premiers tours des playoffs, un scoring très équilibré qui démontre que la menace peut venir de partout. Avec 23,6 points de moyenne contre les Sixers, le rookie Tatum grandit à vue d’œil et continue à impressionner par sa maturité et son sang-froid dans le crunch time. Les performances de son coéquipier « Scary Terry » Rozier feraient presque oublier l’absence de Kyrie Irving, le meneur surclassé ayant affiché une réussite insolente derrière l’arc ces derniers temps (41,5% de réussite à 3 points face à Phila). Quant à Al Horford, le vétéran a assumé le rôle de leader sur ces 2 premiers tours, emmenant l’équipe dans son sillage.
Ce groupe soudé répond à la milliseconde aux instructions d’un Brad Stevens qui a une fois de plus démontré sa compétence, qu’il s’agisse de créer des systèmes en sortie de temps mort ou de concevoir une défense pour neutraliser le brillant Ben Simmons, inarrêtable depuis le All-Star break.
Face à ce collectif protéiforme, un antagoniste tout-puissant qui a détruit à lui seul (ou presque) tous ses adversaires jusqu’ici. Si ce descriptif vous rappelle le synopsis du dernier « Avengers », ce n’est pas un hasard tant les performances surhumaines de LeBron James durant ces playoffs rappellent celles de Thanos. Sans vouloir remettre ce faux débat sur la table, on n’avait pas vu telle capacité d’un joueur à affecter à lui seul l’issue d’un match ou d’une série depuis Michael Jordan. Meilleur marqueur de ces playoffs avec 34,3 points de moyenne, LBJ ajoute 9,4 rebonds et 9 passes décisives par match, le plaçant dans le top 12 de ces 3 catégories statistiques. Ce qui interloque, c’est son effrayante efficacité (1er en Player Efficiency Rating avec 35,4, plus de 8 points devant son premier poursuivant James Harden), efficacité qui s’améliore encore alors qu’il joue 41 minutes par match en moyenne dans sa 13e campagne de postsaison consécutive… Cerises sur le gâteau, ces 2 buzzer-beaters sur les 2 premières séries (mention spéciale à celui contre #LeBronto, qui a arraché le cœur des Raptors) qui ont rappelé à tous les rageux que le joueur le plus décisif en fin de match ces 10 dernières années n’est pas Kobe Bryant.
Si brillant soit-il, James a besoin d’aide et ses coéquipiers n’ont pas franchement rassuré jusqu’ici. Kevin Love a connu des débuts de playoffs très difficiles contre Indiana et s’il s’est refait une santé contre Toronto, il n’est pas encore au niveau de ce que devrait être une 2e option fiable. Il avait été le seul à « soutenir » LeBron en passant (péniblement) la barre des 10 points de moyenne dans la série face à Indiana, mais le roster de Cleveland a plus largement contribué au sweep des Raptors, avec Love, Kyle Korver, JR Smith, Jeff Green et George Hill à plus de 10 points de moyenne durant cette demi-finale de conférence. Cette résurgence des seconds rôles des Cavs constitue-t-elle une tendance durable ou s’agissait-il d’un feu de paille dû à un duel favorable face à des Raptors traumatisés ? Il est encore difficile d’évaluer le réel potentiel de cette équipe : les 2 premiers tours en ont donné 2 images diamétralement opposées (défectueuse dans l’un, dominante dans l’autre), la vérité se situe probablement entre les 2. L’équipe a perdu en talent au fil des transferts successifs depuis l’été dernier, mais LeBron reste LE facteur transformatif absolu : il peut aider ses coéquipiers à se surpasser.
Une opposition de style, donc, mais 2 équipes qui ont pour point commun d’avoir été sous-estimées et de s’être nourries de cette adversité pour se forger une identité sur les dernières semaines de la saison. La série devrait donc être disputée, avec comme priorités pour les Celtics de limiter l’impact de LeBron et de mettre ses coéquipiers sous l’éteignoir. Comme la quasi-totalité des franchises NBA, Boston n’a personne pour verrouiller LeBron ; les Celtics devraient donc opter pour une rotation collégiale de défenseurs incomplets, parmi lesquels Tatum et Brown (trop frêles), Horford (pas assez rapide), Morris (qui s’autoproclame déjà 2e meilleur défenseur face à King James, le genre de vantardise qui pourrait lui revenir en pleine face sous peu…) et peut-être Smart (trop petit) et le rookie Semi Ojeleye (inexpérimenté). Malgré tout, ce sont des défenseurs disciplinés qui devraient réussir à quelque peu ralentir et user King James. Autre manière de limiter l’impact offensif de ce dernier, le forcer à défendre pour le fatiguer : Boston n’hésitera pas à attaquer sur lui pour le faire travailler. A ce moment de la saison, la fatigue est un facteur déterminant, et James était déjà cramé après un premier tour exténuant contre Indiana. Cela dit, les malheureux Raptors ne l’ont pas forcé à puiser dans ses réserves et il a eu quelques jours pour récupérer après cette série expéditive. Quand on voit ce dont il est capable quand il est épuisé, on n’ose imaginer ce qu’il peut faire face à Boston après quelques jours de repos.
Les Cavs quant à eux chercheront à combler leurs lacunes défensives grâce à leur attaque de feu (2e en offensive rating sur ces playoffs). Un 5 composé de LeBron et de 4 shooteurs (Hill, JR Smith, Korver et Love) reste indéfendable, à part peut-être pour les Warriors. Mais cette configuration a un prix en défense : Love au poste de pivot se retrouvera face à Horford, qui saura aisément exploiter ce duel. L’impact du vétéran de Boston pourrait forcer Cleveland à insérer un intérieur plus traditionnel dans son 5 pour le contenir, limitant de facto l’efficacité offensive des Cavs en bouchant des espaces pour les pénétrations de James. Playoff Al n’a jamais eu beaucoup de réussite face aux équipes de LeBron James en playoffs jusqu’ici, mais il semble mieux préparé et mieux entouré que jamais pour faire payer un lourd tribut au roi.
Les Celtics ont l’avantage de terrain mais les Cavaliers ont prouvé qu’ils savaient s’en passer. Boston devrait logiquement être favori de cette série mais comme contre Toronto, on vous l’avoue, on est mal à l’aise à la perspective sacrilège de parier contre LeBron, surtout quand il marche sur l’eau comme en ce moment : avantage aux Cavs.
Notre pronostic : CAVS IN 6
CONFÉRENCE OUEST
Houston Rockets (n°1) vs Golden State Warriors (n°2)
Après des mois de gestation, la Conférence Ouest a enfin accouché de ce choc tant attendu au parfum de finale avant l’heure. Adeptes du « moneyball » et des statistiques avancées contre dépositaires du beau jeu : sur le papier, un clash des cultures. Les 2 équipes ont eu des parcours similaires jusqu’ici : comme 2 sprinteurs relâchant leur effort bien avant la ligne d’arrivée dans les séries de qualification histoire de s’économiser pour la finale, Rockets et Warriors ont enchaîné 2 « gentlemen’s sweeps » chacun sans avoir à forcer leur talent.
Ce faisant, c’est la fin d’une malédiction tenace qui ternissait le CV de Chris Paul : à 33 ans, après 13 ans de carrière et 86 matchs de playoffs sans arriver à ce stade de la compétition (un record), CP3 atteint enfin les finales de conférence pour la première fois de sa carrière. Il a passé ce cap avec la manière, grâce à une pointe à 41 points dans le match de la qualification contre les Jazz. Si révéré soit l’excellent meneur de jeu, peut-être fallait-il qu’il ne soit pas le leader de son équipe pour que celle-ci atteigne ce niveau. L’appétit vient en mangeant : le Point God ne se satisfait pas de ce résultat et pense déjà à la suite.
Avec une telle équipe, il a de quoi être optimiste : 1ère en offensive rating depuis le début des playoffs, l’armada texane a tourné à plein régime en attaque. Le futur MVP James Harden a paisiblement charcuté les défenses des Wolves et des Jazz à coups de jab steps et de pénétrations, CP3 s’est économisé en prévision de la suite (hormis quelques pics de chaleur) et les shooteurs ont fait le job. Clint Capela, quant à lui, est toujours plus impactant, notamment au rebond (4e des playoffs avec 12,2 par match) et au contre (1er avec 2,8 par match).
La défense des Rockets (n°2 en defensive rating en playoffs) affiche elle aussi des stats qu’on est en droit d’attendre d’un prétendant au titre. Ceci dit, leurs précédents adversaires (Wolves et Jazz) n’étaient pas spécialement réputés pour leurs attaques de feu. Face aux champions en titre, ce sera une autre paire de manches…
Après une fin de saison apathique (10 défaites sur les 17 derniers matchs de la saison régulière), les Warriors sont enfin sortis de leur torpeur et ont définitivement passé la seconde. Au-delà d’une attaque si prolifique qu’elle n’a pas été affectée outre mesure par l’absence de Stephen Curry, c’est le retour de cette défense suffocante (n°1 en defensive rating sur ces playoffs) qui fait leur force depuis 3 ans et demi qui a retenu l’attention de toute la ligue.
Les Dubs sont prêts à en découdre : pour la première fois, Steve Kerr a aligné d’entrée de jeu le fameux « death lineup » (désormais appelé « Hamptons 5 », regroupant KD et les 4 Warriors venus le recruter dans les Hamptons il y a 2 étés de cela) lors du match 4 contre les Pelicans, puis à nouveau lors du match suivant. Ce 5 composé de Curry, Thompson, Iguodala, Durant et Draymond Green au poste de pivot est tout simplement injouable aux 2 extrémités du terrain, à voir si la défense des Rockets trouvera les réponses face à cette escouade dévastatrice.
L’interrogation principale pour Golden State concerne l’état de forme de Steph Curry : le meneur All-Star est revenu de blessure en cours de série face à New Orleans et il a montré de belles choses, mais il n’a que 4 matchs dans les jambes après une indisponibilité de près d’1 mois et demi. Chef Curry est-il en pleine possession de ses moyens ? On le sait, entre un Steph à 70% en 2016 et un Steph à 100% en 2017, il y a un titre NBA de différence pour Golden State. On attend avec impatience son duel avec son ancien mentor CP3, qui a le don de lui faire sortir son meilleur basket.
Daryl Morey, le GM de Houston, confessait en décembre dernier que son équipe était totalement obsédée par l’idée de faire tomber les Warriors. Mais selon l’expression anglo-saxonne consacrée : « be careful what you wish for ». Face à une dynastie dont l’attaque restera très certainement dans les annales du basket, la défense des Rockets devra choisir son poison. Contre Golden State, tout choix implique un renoncement ; les Rockets tâcheront sûrement de se concentrer sur la menace longue distance de Durant, Curry et Thompson (si cela est humainement possible) et devraient pouvoir vivre avec la perspective d’un Green et d’un Iguodala démarqués à 3 points (respectivement 33,3% et et 37,9% de réussite derrière la ligne en playoffs cette année).
Les champions en titre vont certainement mettre les fringants Rockets à l’épreuve comme jamais auparavant mais l’inverse est possible, en tout cas sur le papier : la défense des Warriors a-t-elle de quoi bloquer les pénétrations dévastatrices de James Harden, le jeu à mi-distance de CP3, les appels de balle de Clint Capela et les tirs à 3 points d’Eric Gordon, PJ Tucker, Trevor Ariza et consorts, tout cela à la fois ? Rien n’est moins sûr.
Houston représente le challenge le plus sérieux pour Golden State sur le chemin du doublé. A attaques quasi égales, on a plus confiance en la défense d’une équipe coachée par Steve Kerr que dans celle d’une équipe coachée par Mike D’Antoni. Le facteur expérience devrait également jouer : Kerr a rappelé aux pronostiqueurs qui donnaient les Rockets favoris dans cette série que contrairement à Houston, son équipe connaissait le chemin de la victoire finale pour l’avoir arpenté par le passé, une expérience qui n’a pas de prix dans les moments décisifs. Dans le roster des Rockets, seul Trevor Ariza a une bague de champion (champion 2009 avec les Lakers) ; James Harden s’était quant à lui incliné en finale contre les Heatles (LeBron, Wade, Bosh) en 2012. Pour toutes ces raisons, on met une piécette sur les Dubs.
Notre pronostic : WARRIORS IN 6