En attendant l’éventuel dénouement de l’improbable saga du Brexit, tâchons de profiter d’un import anglais de qualité avant qu’il ne soit surtaxé.
Jusqu’à l’émergence de la scène grime durant les années 2000, le hip-hop anglais a longtemps évolué dans l’ombre du grand frère US. Quand la France et le Japon cultivaient leur version locale de la culture hip-hop, le rap anglais peinait à s’émanciper d’un modèle américain qui se réappropriait leur langue commune. Albion devait même subir l’affront de voir l’Amérique lui dérober ses plus talentueux rejetons (Slick Rick, Monie Love, MF Doom…).
Avant qu’elle ne l’enfonce à coups de pied avec l’avènement dudit grime, la scène anglaise avait pourtant frappé à la porte, sinon du succès, du moins de la reconnaissance mondiale. Derrière quelques labels indépendants comme Grand Central Records et surtout Ninja Tune et son sous-label urbain Big Dada, le rap anglais avait commencé à se faire un nom dès la fin des années 90 avec une identité foncièrement british. Côté paroles, exit les gangsters de studio et autres costauds des bacs à sable si courants outre-Atlantique : cette scène anglaise abordait avec humour, justesse et brio des thèmes aussi variés que la nature insaisissable de l’amour ou les souvenirs d’un ancien écolier martyrisé par une brute épaisse. Côté son, outre l’influence des musiques électroniques omniprésentes outre-Manche, cette scène se distinguait par un son smooth à tendance jazzy, avec à la manœuvre une flopée de beatmakers talentueux comme The Nextmen, Unsung Heroes ou encore The Creators.
Avec « Keep It Movin' », notre morceau du jour, les jeunots de Jungle Brown prennent avec aplomb leur place dans la lignée de ces glorieux anciens. En préambule de la sortie de leur 2e album « Full Circle » en septembre prochain sur le très sûr label Mr. Bongo, le trio nous gratifie de ce morceau à l’atmosphère estivale : sur un son du beatmaker Tony Bones mêlant quelques accords de guitare rêveurs et les digressions saxophoniques d’Ayo Yung Afrika Pyoneer, les MCs Ric Flo et MAEAR posent en douceur leurs flows coulés à l’accent british.