Ce week-end aura lieu la 65e édition du All-Star Game, match de gala qui voit s’affronter les meilleurs joueurs de l’Est et de l’Ouest de la NBA. Si le concept est commun à tous les sports majeurs américains (à quelques variations près), c’est pour le basketball qu’il fonctionne le mieux et produit des matchs globalement regardables (contrairement au Pro Bowl de la NFL, par exemple). Depuis 1951, ce match organisé peu après la mi-saison s’est étoffé d’événements annexes, pour devenir un week-end complet de festivités pour les participants et une trêve bien méritée au cœur d’une saison harassante pour les autres.

Pour celles et ceux qui souhaitent se mettre dans l’ambiance pour ce week-end (ou celles et ceux qui ont passé les 70 dernières années piégés dans la glace), voici un récapitulatif tout à fait subjectif et parfaitement nécessaire des moments forts, marquants, importants, drôles, curieux de ce rendez-vous.

1951
Premier All-Star Game de l’histoire de la NBA, disputé au Boston Garden. A cette époque, la ligue, qui ne compte encore que 11 équipes, a pour stars George Mikan, Dolph Schayes ou Bob Cousy. Elle commence aussi une timide ouverture aux joueurs noirs, avec les arrivées de Earl Lloyd, Chuck Cooper et Nat « Sweetwater » Clifton. Aucun d’eux ne sera toutefois sélectionné au All-Star Game cette année-là; l’honneur d’être le premier joueur noir américain à participer à cet événement reviendra à Don Barksdale 2 ans plus tard.

1964
Ce qui est la 1ère édition télévisée en prime time du All-Star Game faillit bien ne pas avoir lieu. Cette année-là, le All-Star Game est le théâtre d’un conflit opposant les joueurs d’un côté, et les propriétaires des franchises NBA et les instances de la ligue de l’autre. En effet, les joueurs de la ligue, organisés depuis 1954 au sein d’un syndicat défendant leurs intérêts, souhaitent négocier une retraite et de meilleures conditions de travail, une idée à laquelle les propriétaires d’équipes et la ligue ne sont pas du tout favorables. Ces derniers les ont gentiment baladés depuis plusieurs mois, conviant les représentants de la NBPA (National Basketball Players Association) à des rendez-vous qu’ils n’honorent finalement pas au dernier moment.
Face à ces manœuvres et ce manque de considération, les stars de la ligue sélectionnées au All-Star Game décident de frapper un grand coup : alors qu’ils sont réunis dans les vestiaires avant le coup d’envoi, les All-Stars (parmi lesquels Bill Russell, Wilt Chamberlain, Jerry West, Oscar Robertson et Elgin Baylor) annoncent qu’ils boycotteront le match si leurs revendications ne sont pas acceptées. Les propriétaires, furieux, sont bloqués à la porte des vestiaires. Sous la pression des dirigeants de la chaîne télévisée ABC, qui voient s’éloigner leur retransmission en direct, le commissioner J. Walter Kennedy cède et accepte les conditions demandées par les joueurs depuis l’été précédent.
Cette menace de boycott qui ne dura qu’une quinzaine de minutes fit couler beaucoup d’encre à l’époque, mais il est clair que sans elle, la NBA n’aurait pas atteint les sommets qu’elle côtoie aujourd’hui.

1983
Le moment mémorable de cette édition intervient avant même le coup d’envoi. Marvin Gaye s’avance sur le parquet du Coliseum de Los Angeles, costume bleu et lunettes aux verres fumés, la classe incarnée. Un groove lascif digne d’une TR-808 sort alors des haut-parleurs de l’arène, et Marvin Gaye se livre à une interprétation très personnelle de l’hymne national devant un public subjugué, pour un moment qui représente la quintessence du Los Angeles de l’époque.

1984
En marge du match se tient la 1ère édition du célèbre concours de dunks, concept repris de la défunte ABA. Il est remporté par Larry Nance alors que parmi les participants figurent des clients tels que Julius « Dr. J » Erving, Dominique « The Human Highlight Reel » Wilkins et Clyde « The Glide » Drexler. Allez comprendre…

1985
Une des légendes urbaines les plus tenaces de l’histoire de la NBA voudrait qu’Isiah Thomas, trouvant le rookie Jordan trop arrogant, ait orchestré un « boycott » de celui-ci pendant le match, ne lui passant pas la balle même lorsqu’il était démarqué. Toujours selon la même légende, Jordan se serait vengé quelques années plus tard en posant comme condition à sa participation à la Dream Team la non-sélection du meneur de jeu des Pistons. Les intéressés ont démenti à de multiples reprises, on vous laisse juges.

1986
Au-delà des débuts du concours de tirs à 3 points, cette édition est marquée par la victoire de Spud Webb dans le concours de dunks. Du haut de son 1,70m, Spud Webb fait figure d’outsider absolu, surtout face à son coéquipier et champion en titre Do Wilkins, qui avoue ne l’avoir jamais vu dunker. Mais le petit Spud s’entraîne discrètement dans son coin, et le jour J, réalise une performance digne d’un David renversant des Goliath de 2 mètres.

1988
Jusqu’à l’an dernier, le concours de dunks de 1988 constituait le summum du genre, avec le duel de haut vol que se livrèrent Michael Jordan et Dominique Wilkins, 2 des meilleurs dunkers de l’histoire. C’est une opposition de style totale, la finesse et l’inventivité de Jordan faisant face à la puissance et l’explosivité de Wilkins. Jordan l’emporta finalement avec un dunk en prenant appel de la ligne des lancers-francs mais certains (le vainqueur inclus) pensent que Wilkins fut le meilleur ce jour-là et que Jordan a gagné uniquement parce que le All-Star Game avait lieu à Chicago : on vous laisse juger par vous-mêmes. La vidéo ci-dessous ne montre que les dunks des deux protagonistes en finale, mais Wilkins avait aussi envoyé du pâté sur les 2 premiers tours : l’arceau s’en souvient encore… Jordan ne laissa pas de place au doute pendant le match du dimanche, avec 40 points et un titre de MVP indiscutable sur ses terres.

C’est aussi l’année de la 3e victoire d’affilée de Larry Bird dans le concours à 3 points. Larry Legend règne en maître sur ce concours depuis son lancement, et lorsqu’il entre dans les vestiaires où se trouvent les autres participants, il se plaît à lâcher d’un ton dédaigneux : « alors les gars, qui a prévu de finir 2e ? ». Mais au-delà du trash talk et de son sentiment de supériorité dans cette discipline, Bird eut fort à faire cette année-là. Opposé à Dale Ellis en finale, il passe à côté de ses 3 premiers racks mais fait un comeback furieux sur les 2 derniers pour s’adjuger le titre, levant même le doigt en signe de victoire avant que son dernier tir ne rentre. Le roi de l’intox…

1991
Craig Hodges, meneur de jeu remplaçant des Chicago Bulls et futur triple vainqueur du concours de tirs à 3 points, inscrit 19 paniers à 3 points à la suite dans le concours de tirs primés. On répète : 19 3 points à la suite. Tout simplement hallucinant…

Et Dee Brown gagne le concours de dunks en faisant une énorme pub au passage pour les nouvelles Reebok Pump.

1992
Un séisme suivi d’un moment de grâce : 3 mois après l’immense onde de choc déclenchée par l’annonce de sa séropositivité et de sa retraite sportive, Magic Johnson honore le vote des fans qui l’ont élu dans le 5 majeur de l’Ouest (son nom figurait sur les bulletins de vote, qui avaient été imprimés avant l’annonce de sa retraite) et revient le temps d’un match chargé en émotions. Dans la tradition du happy end hollywoodien, il remporte le match et le trophée de MVP, mais la réalité est plus sombre : le spectre de la maladie est omniprésent dans l’esprit de tous, et nombreux sont ceux qui pensent le voir pour la dernière fois ce jour-là. Cela fait plus de 25 ans et Magic est toujours parmi nous, changeant le monde pour le meilleur jour après jour via ses activités d’entrepreneur et d’activiste. Francis Scott Fitzgerald écrivait : « il n’y a pas de deuxième acte dans les vies américaines ». Magic en est le contre-exemple parfait.

1994
Magic et Bird désormais retraités, Jordan parti jouer au baseball, c’est une année de transition pour la ligue. Avec les départs de ses 3 icônes, un vide s’est créé au sommet de la chaîne alimentaire. Qui pour leur succéder ? C’est le fidèle lieutenant Pippen, affublé de ses chaussures rouges et enfin libre de s’exprimer en solo, qui laisse parler son talent et met tout le monde d’accord le temps du match.

1996
Jordan fait des blagues à Penny Hardaway tandis que Shaq fait tomber la foudre sur l’Amiral.

1997
Pour ses 50 ans, la NBA organise à la mi-temps du match de gala une cérémonie en l’honneur des 50 meilleurs joueurs de son histoire. La liste des nommés se passe de commentaires, c’est l’histoire du basketball américain qui défile sous nos yeux. Un moment magique.

1998
Jordan-Kobe, 1er chapitre. Les spectateurs massés dans le Madison Square Garden assistent à un passage de témoin entre un maître au sommet de son art (Michael Jordan, double champion en titre et bientôt retraité) et un jeune padawan prometteur (Kobe Bryant pour son 1er All-Star Game, faisant de lui le plus jeune joueur jamais sélectionné du haut de ses 19 ans). Le maître l’emporte (Jordan finit MVP avec 23 points, 6 rebonds et 8 passes décisives), mais l’élève s’est vaillamment défendu (18 points et 6 rebonds) et il a gagné son respect.

1999
Le fait historique de ce All-Star Game tient à son absence : pour cause de lockout, à savoir une suspension forcée de la saison en cours en l’absence d’accord dans les négociations entre les propriétaires d’équipes et les joueurs, la saison régulière ne commence que le 20 janvier et est raccourcie à 50 matchs. Au passage, le All-Star Game est annulé faute de temps ; c’est la seule annulation de cet événement à ce jour.

2000
La résurrection du concours de dunks est le fait d’un seul homme : Vince Carter. Après l’annulation du concours en 98 et l’annulation pure et simple du All-Star Game en 99 pour cause de lockout, le dunk contest (déjà en perte de vitesse) était en état de mort clinique. C’était sans compter sur l’électrochoc Carter et ses dunks à réveiller les morts. Dans un concours où les observateurs pensaient avoir tout vu, Vince Carter arriva avec des dunks inédits qui remirent à eux seuls le concours au goût du jour et figurent encore aujourd’hui parmi les plus impressionnants de l’histoire du dunk contest.

2001
Les matchs du All-Star Game ont rarement été compétitifs (à part sur une brève période entre la fin des années 70 et le début des années 80), il s’agit plus de matchs exhibition avec du spectacle, beaucoup de pertes de balles et des défenses aussi étanches que celle de James Harden. Alors quand le match est serré et que l’instinct de compétiteur des participants reprend le dessus, le spectacle est suffisamment rare pour être apprécié. Cette édition donne lieu à un retour en trombe de l’équipe de l’Est : menés de 19 points à l’entrée du 4e quart-temps, les jeunes loups de l’Est entament une furieuse remontada sous la houlette d’Allen Iverson (MVP du match avec 25 points, dont 15 dans les 9 dernières minutes) et de Stephon Marbury, et s’imposent finalement 111 à 110.

2002
Pas grand-chose. Ah si, peut-être ça.

2003
Jordan-Kobe, suite et fin. Les 2 joueurs se retrouvent le temps d’un week-end mais les trajectoires se sont inversées. C’est Kobe Bryant qui est triple champion NBA en titre cette fois. Quant à MJ, après un 2e comeback, cette fois sous le maillot des Washington Wizards, il s’apprête à souffler ses 40 bougies 8 jours plus tard et à prendre définitivement sa retraite en fin de saison. Cela n’empêche pas les deux joueurs de retrouver leurs vieilles habitudes de trash talking. Le match est très disputé et donne lieu à 2 prolongations , fait inédit dans l’histoire du All-Star Game, et Jordan passe près de finir en beauté avec un fadeaway sur la tête de Shawn Marion en fin de 1ère prolongation. A noter que Vince Carter, élu par les fans dans le 5 de départ, céda gracieusement sa place de titulaire à His Airness pour sa dernière représentation.

2005
La réponse du berger à la bergère (ou en l’occurence, d’un cousin à son cousin).

2007
Le grand moment du week-end revient à la course entre Charles Barkley et l’arbitre Dick Bavetta. A l’origine de ce défi, les commentaires irrespectueux de Sir Charles sur l’état de forme de l’arbitre vétéran de la ligue lors d’un match de saison régulière durant lequel Barkley officiait en tant que commentateur. Après avoir pris connaissance de ces commentaires peu élogieux, Bavetta proposa à Sir Charles une course à but caritatif. Si sur le papier, Barkley et ses 44 ans avaient un avantage certain face à Dick Bavetta et ses 67 ans bien sonnés, c’était sans compter sur le surpoids pachydermique et l’absence totale de forme de Sir Cumference, réputé depuis toujours pour son régime alimentaire strict. Bavetta, lui, avait arbitré plus de 2 000 matchs depuis 1975. Le course tant attendue eut lieu la veille du match des All-Stars, pour un résultat hautement comique (dans la vidéo ci-dessous, les choses sérieuses commencent à 2’00).

A part ça, Gilbert Arenas fait parler de lui (le genre de début de phrase qui laisse présager le pire) avec un dunk sur trampoline pendant un temps-mort.

2009
Shaq fait montre de ses talents de danseur à l’entraînement et lors de la présentation des équipes avec Jabbawockeez.

2016
Alors qu’on croyait avoir tout vu, le concours de dunks nous réservait encore de merveilleuses surprises : nous avons eu droit l’an dernier à l’un des plus beaux duels de l’histoire avec la passe d’armes épique entre Zach LaVine, vainqueur l’année précédente, et Aaron Gordon qui endossa à merveille le rôle de challenger (le dunk où il s’assoit en l’air… DAMN!). Probablement le duel le plus intense depuis la victoire de Jordan face à Wilkins en 1988.

Et Demarcus Cousins peine à dribbler, ce qui est un peu dommage quand on participe au Skills Challenge.

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