Pour satisfaire notre insatiable soif de soul, nous avons souvent tendance à jouer les archéologues, fouillant les discographies d’anciens glorieux comme obscurs à la recherche de promesses enfouies. Il nous arrive aussi de sortir notre nez des poussiéreux bacs à vinyles quand des sons plus actuels parviennent à nos esgourdes. La jeune génération ? Elle se porte comme un charme, merci pour elle. Thundercat (dont le nouvel album est sorti il y a 3 semaines), Hiatus Kaiyote, Badbadnotgood… La liste est aussi fournie qu’elle regorge de talent, et elle s’est étoffée ces 3 dernières années avec l’éclosion de Gabriel Garzón-Montano.
Né à Brooklyn d’un père colombien et d’une mère française, Gabriel Garzón-Montano fusionne très tôt ses héritages musicaux paternel (cumbia et salsa) et maternel (classique et avant-garde). Sa mère, mezzo soprano de formation et collaboratrice régulière de Philip Glass dans les années 90, lui transmet ce perfectionnisme et ce goût des harmonies complexes qu’on retrouve aujourd’hui dans ses compositions. Son 1er EP « Bishouné : Alma Del Huila », sorti en février 2014 (et poussé en France par les amis de Prøspect), comptait quelques pépites et laissait déjà entrevoir un certain potentiel, débouchant sur des 1ères parties pour Lenny Kravitz et le sampling de son morceau « 6 8 » par Drake. De telles cooptations suffiraient habituellement à lancer des carrières mais Garzón-Montano, trop absorbé par ses expérimentations sonores, ne saisit pas vraiment la balle au bond. L’emprunt de Drake lui permet tout de même d’être remarqué par Stones Throw, qui s’empresse de le signer.
« Jardín », son premier album sorti fin janvier sur le label de Peanut Butter Wolf, confirme le potentiel entrevu jusqu’ici. Là où les ombres de D’Angelo et Prince planaient avec insistance sur son EP, ce premier album marque une émancipation de ces influences parfois encombrantes et un cheminement vers une 3e voie entre soul galactique et pop mâtinée d’électro. Avec son rythme entraînant et ses chœurs enjôleurs, « Crawl » a définitivement l’attrait d’un single. Toutefois, le morceau ne verse pas dans la facilité et évite avec classe l’écueil de la mélodie rebattue. Garzón-Montano réussit un choc de simplification là où ses premières compositions étaient parfois trop touffues (mais quoi de plus normal pour un jeune artiste souhaitant prouver l’étendue de son talent). Avec « Crawl », il démontre un remarquable sens de l’immédiateté dans la production sans toutefois renier son goût des harmonies élaborées. Avec des sons pareils, pas sûr qu’il ait encore besoin d’un coup de pouce de Drizzy à l’avenir…