Le destin de La Lupe est celui d’une météorite, brillant de mille feux en pénétrant l’atmosphère pour se désagréger aussi brutalement qu’elle est apparue. De son vrai nom Guadalupe Victoria Yoli Raymond, La Lupe naît à Cuba à la fin des années 30. Elle remporte des concours de chant locaux et se taille une réputation sur l’île grâce à sa voix qui crie plus qu’elle ne chante et à ses performances scéniques survoltées. Personnage excentrique au caractère volcanique, son jeu de scène surexcité, à la limite de la frénésie, finit par lasser Fidel Castro et elle est sommée de quitter Cuba. Elle atterrit au Mexique en 62, où elle demande l’aide de Celia Cruz pour trouver du travail : celle-ci la recommande à Mongo Santamaria, ce qui permet à La Lupe de se produire avec lui à New York. Elle intègre ensuite l’orchestre de Tito Puente, qui voit dans sa puissance vocale un trait commun avec les divas de la soul américaine. Le succès est au rendez-vous mais La Lupe n’a pas l’âme d’une figurante, et les relations orageuses de ces deux egos forts poussent Tito Puente à la renvoyer en 1968 pour engager une chanteuse plus conventionnelle en la personne de… Celia Cruz. Elle continue sa route en solo avec succès pendant une dizaine d’années, poursuivant sa carrière aux USA et glanant au passage le titre honorifique de Queen Of Latin Soul. Mais ses tendances bipolaires lui jouent des tours : ne pouvant se manager elle-même et n’arrivant pas à embaucher quelqu’un pour le faire, elle finit par tomber en disgrâce avec son label de l’époque, qui se sépare d’elle. S’ensuit une lente déchéance ponctuée de dépressions, de problèmes de drogue, d’accidents domestiques et d’un incendie qui fait d’elle une sans-abri. La Queen Of Latin Soul tire sa révérence en 1992 à 52 ans à peine, dans le dénuement et l’oubli.

Loin de ses excentricités vocales et scéniques coutumières, « Negrura » est un morceau plus classique sur lequel La Lupe parvient à canaliser son énergie. Elle y fait preuve de retenue dans son interprétation sans pour autant brider sa puissance vocale. A l’image d’un fauve à peine dompté, sa voix garde toute sa férocité mais n’écrase pas les arrangements classieux de violons et cuivres. Ahi na’ ma !

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