Si le hip-hop a souvent pioché dans les musiques qui l’ont précédé pour se construire, le tournant des années 90 vit naître un sous-genre particulier, le jazz rap, dont le nom est suffisamment explicite pour ne pas avoir besoin d’être expliqué. Le succès de Gang Starr avec « Jazz Thing », extrait de la B.O. du « Mo’ Better Blues » de Spike Lee, déclencha une véritable course au clocher : les labels américains, en constante recherche d’un nouvel Eldorado, signèrent à tour de bras dans l’espoir de tomber sur la nouvelle pépite du genre. Mais tout le monde n’a pas le talent de A Tribe Called Quest ou De La Soul, et ce phénomène entraîna une standardisation du son de l’époque, dissipant cet effet de mode en quelques années.
Parmi les artistes emblématiques du (sous-)genre, Digable Planets figure assurément en excellente place. Ce trio composé d’Ishmael ‘Butterfly’ Butler, Craig ‘Doodlebug’ Irving et Mary Ann ‘Ladybug Mecca’ Vieira marqua les esprits en 1993 avec leur premier album « Reachin’ (A New Refutation Of Time And Space) » : produit essentiellement par Butterfly en samplant les disques de son père fan de jazz, le premier album du groupe reste à ce jour un sommet de la fusion entre hip hop et jazz, assurément un des 50 meilleurs albums de l’histoire du hip-hop US. Mais il est toujours difficile de confirmer après une arrivée aussi fracassante, et nombreux sont les artistes qui ont chuté face aux attentes démesurées autour de leur deuxième album. Digable Planets n’échappa pas à cette malédiction : après un premier album léger et compact, le groupe voulut développer une vision artistique plus ambitieuse, tant musicalement (avec un mélange de samples et d’instrumentation live) que textuellement (avec des thèmes plus militants). Le groupe sortit « Blowout Comb » en 1994, un album intéressant mais moins accessible et impactant que le premier. L’accueil moins enthousiaste du public et la lassitude des 3 MCs vis-à-vis de l’industrie musicale eurent raison du groupe, qui se sépara l’année suivante.
S’il fut quelque peu incompris à sa sortie en raison de son côté expérimental et son absence de hits, « Blowout Comb » n’en est pas moins un bon album contenant quelques pétites, dont « Jettin' ». Digable Planets y sample « Blue Lick », un morceau très soft jazz (frisant par moments l’easy listening) du pianiste Bob James pour en faire un pur concentré de funk. Le morceau repose sur une ligne de basse dantesque, étouffée comme un disque qui passe chez le voisin et dont le groove porte les flows typiquement détendus de Butterfly, Doodlebug et Ladybug Mecca.
FUNKAAAAAAAY…