Qu’il s’évade grâce à l’amplitude spatiale d’un Pink Floyd, aux nuances les plus complexes d’un thème de John Coltrane ou à la basse bien grasse d’un bon vieux Dead Prez, le mélomane urbain rêve souvent d’assouvir un fantasme commun à tous ses congénères, celui d’écouter sa musique à plein volume à toute heure du jour ou de la nuit. En ville, ce petit plaisir de la vie lui est malheureusement interdit par la proximité, que dis-je, la promiscuité d’un voisinage aux petits tympans si sensibles dès qu’il s’agit de la musique des autres, quand ses propres « goûts » musicaux tirent plus vers « Bob Morane » que Bob Marley. Son amour inconditionnel de la musique pour seul étendard, le mélomane lutte, refusant de céder au diktat de ces sans-joie mais à force de plaintes anonymes et de visites de la maréchaussée, il doit bien souvent se résoudre à baisser pavillon.
C’est un peu le thème du morceau du jour : sur le riddim « Revolution » (également utilisé par Barrington Levy pour « Black Roses »), Dennis Brown professe son amour du Rub A Dub de tous styles (y compris celui-ci, donc) et à toute heure. Loin de se laisser intimider par les plaintes de ses voisins, il leur répond par la surenchère, la seule réponse qui vaille (« and if my neighbour should complain about the sound / I’ll play it all night long. / Cause I don’t care about what they say, / don’t care about their feelings »). Si vous aussi, cette situation ne vous est pas étrangère, jouez donc ce morceau sur votre chaîne hi-fi en mettant les basses à fond pour que vos voisins se rappellent à votre bon souvenir…