Quand on cherche à faire danser les gens, doit-on s’interdire de les faire réfléchir ? Oumou Sangaré n’a pas attendu longtemps pour trouver sa réponse à cette question. Enfant, elle voit son père abandonner le foyer familial et sa mère trimer pour subvenir aux besoins de leurs quatre enfants. Oumou refuse d’être simple spectatrice du combat de sa mère : elle vend des sachets d’eau potable dans les rues de Bamako pour contribuer aux charges du ménage. Repérée très tôt pour ses talents de chanteuse, ses paroles sont imprégnées de cette conscience sociale qui l’anime, distillant ses messages sur des rythmes contagieux. Business woman aguerrie (elle a ouvert un hôtel dans la capitale malienne, a associé son nom à une marque de voitures et créé une ferme pilote), sa réussite est un exemple fort pour ses contemporaines et contemporains, de même qu’une revanche par procuration pour sa mère.

Sur son dernier album « Mogoya » sorti l’an dernier sur le remarquable label No Format, on retrouve cette même exigence dans le divertissement. Enregistré entre Bamako, Stockholm et Paris avec le collectif français « Albert » (Vincent Taurelle, Ludovic Bruni, Vincent Taeger), « Mogoya » vit dans son temps, sur plusieurs méridiens : intégrant sans efforts instruments traditionnels africains et européens pour créer ce fantastique son ethno-futuriste, cet album permet à Oumou Sangaré d’aborder son thème de prédilection, les rapports humains (« Mogoya » pouvant se traduire par « les relations humaines aujourd’hui »).

Le morceau du jour, « Kamelemba », fournit l’occasion à la diva malienne d’endosser le costume de la grande sœur avisée. Sur un son à la fois ample et roots qui invite à la danse, Oumou Sangaré incite les jeunes filles à se méfier des beaux parleurs qui usent de mensonges et autres subterfuges pour s’attirer leurs faveurs, au risque de devenir jeunes mères célibataires.

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