Adversité et injustice sont bien souvent les catalyseurs involontaires d’œuvres qui les transcendent.
Quand l’agent Gonçalves De Azevedo frappe à la porte de la chambre 306 de l’Hôtel Ivoram de Florianópolis ce mercredi matin-là, il n’est pas surpris de voir Gilberto Gil lui ouvrir. Loin d’être de courtoisie, cette visite n’est aucunement le fruit du hasard : en prévision du concert du soir avec ses prestigieux compères Caetano Veloso, Gal Costa et Maria Bethânia (avec lesquels Gil forme le supergroupe Doces Bárbaros, les bien nommés « doux barbares »), les autorités locales souhaitent effectuer un contrôle de routine pour s’assurer que les 4 trublions ne leur réservent aucune mauvaise surprise. Dans les chambres voisines, Veloso, Costa et Bethânia passent entre les mailles du filet mais la fouille minutieuse des quartiers de Gilberto Gil révèle quelques grammes de marijuana. Pris en flagrant délit de possession de l’herbe maudite, l’intéressé en assume la propriété sans se départir de son calme olympien et est immédiatement conduit au poste. Accusé d’apologie inconsciente et criminelle, il est consigné durant 15 jours dans un hôpital psychiatrique en attendant son procès.
C’est dans la clinique de Florianópolis dans laquelle il est interné et durant les jours passés à Curitiba juste avant son arrestation que Gilberto Gil croise la route des protagonistes féminines de « Sandra », morceau qu’il compose durant cet internement et qui atterrira sur son album « Refavela », sorti en 1977. Il est des rencontres qui, bien qu’éphémères, n’en sont pas moins marquantes, et dont le souvenir borne une période des décennies plus tard. Maria De Lourdes qui lui demande d’écrire une chanson sur elle, Carmensita qui lui murmure un équivoque « sois le bienvenu » à son arrivée à la clinique, Cintia qui lui offre ce béret rose qu’il portera lors du procès, Andréia qui lui donne des rubans pour nouer ses cheveux, Salete qui lui prépare du chafé, ce mélange de thé et de café qu’il affectionne tant… Autant d’instants volés et de bonheurs fugaces qu’il égrène sur un fond sonore aussi délicat que son ton, comme pour mieux exorciser cette période trouble à force de tendresse.
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